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        "Staline assassine la Pologne. 1939 - 1947",

par Alexandra Viatteau

 

Biographie d'Alexandra Viatteau en ligne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lire un document qui montre le poids de ces fait au d�but du XXI e si�cle en Pologne

Ed. Seuil,1999, 348 pages.

L'auteur est enseignante en sciences de l'information � l'Institut fran�ais de presse de l'universit� Paris II. D'origine polonaise, Alexandra Viatteau a jou� un r�le d�terminant dans la connaissance historique du massacre de Katyn, notamment par la publication - d�s 1982 - d'un ouvrage de r�f�rence : "Katyn, l'Arm�e polonaise assassin�e", aux �ditions Complexe.

Des secrets bien gard�s

Ce nouveau livre, "Staline assassine la Pologne. 1939 - 1947", l�ve le voile sur des secrets bien gard�s, notamment gr�ce � un demi-si�cle de complicit� occidentale. Se fondant sur une recherche universitaire de grande qualit�, Alexandra Viatteau apporte une contribution majeure � l'histoire de la Pologne, de l'URSS stalinienne et de la Seconde Guerre mondiale. Aussi faut-il recommander particuli�rement cette lecture aux �tudiants et aux professeurs d'histoire. Ce livre offre au lecteur de nombreux extraits de documents le plus souvent in�dits, provenant notamment des archives de Moscou, du Vatican ou du minist�re fran�ais des Affaires �trang�res. Ces documents peuvent �tre forts utiles pour construire un expos�.

Apr�s le pacte germano-sovi�tique d'ao�t 1939, Staline met en oeuvre l'�limination syst�matique des �lites polonaises. Non seulement il fait assassiner plus de 25 000 officiers polonais, mais sa police politique d�porte au goulag pr�s de 1 800 000 Polonais, dont plus d'un million ne reviennent pas. Voici pourquoi Alexandra Viatteau se prononce pour la reconnaissance d'un g�nocide polonais. La lecture de son livre donne � chacun les moyens de forger un jugement.

Il serait ridicule de pr�tendre r�sumer le contenu d'un ouvrage aussi riche mais quatre apports semblent particuli�rement importants. Ils concernent les preuves de la collusion entre l'Allemagne nazie et l'Union sovi�tique stalinienne, les crimes ordonn�s par Staline � l'encontre de la Pologne, l'opportunisme de nombreux occidentaux au sujet du ma�tre du Kremlin et la lucidit� du Vatican � l'�gard de l'URSS.

Les preuves de la collusion entre l'Allemagne nazie et l'Union sovi�tique stalinienne

Les protocoles secrets du pacte germano-sovi�tique sign� � Moscou par Molotov et Ribbentrop le 23 ao�t 1939 scellent l'alliance entre l'URSS et le III e Reich. Les deux dictatures se proposent de r�gler, par voie de n�gociation bilat�rale germano-sovi�tique, l'agression de la Pologne, le partage de son territoire et la suppression de l'Etat polonais. Ces protocoles sont suivis de plusieurs accords organisant la collaboration germano-sovi�tique. Ils sont beaucoup moins connus mais lourds de sens. En voici un exemple. Apr�s l'attaque hitl�rienne de la Pologne, le 1 er septembre 1939, Staline attend le 17 septembre pour porter ses coups contre la partie orientale de ce pays. D�s le 28 septembre 1939, un nouvel accord sur l'amiti� germano-sovi�tique est sign�, scellant le partage de la Pologne et mettant fin � toute notion de souverainet� nationale de cet Etat. Un des protocoles secrets de cet accord �nonce l'obligation qu'a chacune des deux parties de prendre des mesures pour pr�venir et emp�cher toute action de la R�sistance polonaise. Les parties pr�voient m�me des consultations mutuelles � propos de toutes les actions r�pressives qui leur sembleraient utiles. Voici un extrait : "Aucune des deux parties ne tol�rera sur son territoire d'agitation polonaise quelconque qui menacerait le territoire de l'autre partie. Chacune �crasera sur son propre territoire tout embryon d'une telle agitation, et les deux s'informeront mutuellement de tous les moyens ad�quats pouvant �tre utilis�s � cette fin". Ces moyens font l'objet d'�changes constants entre la Gestapo et le NKVD, durant tout l'hiver 1939 - 1940.

Les points communs entre les deux syst�mes totalitaires n'emp�chent �videmment pas des sp�cificit�s dans leur massacre des �lites polonaises. Les Allemands mettent en avant des crit�res raciaux et les Sovi�tiques des crit�res de classes, mais les deux r�gimes se retrouvent pour chasser avec la derni�re �nergie le pr�tre catholique et le r�sistant militaire ou civil.

Un t�moignage �loquent

Quel sens donner � cet accord du 28 septembre 1939 ? Alexandra Viatteau cite une analyse tout � fait �clairante, faite d�s le 6 octobre 1939 par Willi M�nzenberg, un communiste du Komintern en rupture de ban. "Le 28 septembre, Staline n'a pas seulement conclu un nouveau pacte avec Hitler, mais il a solennellement sign� un "trait� d'amiti�". Par ce "trait� d'amiti�", Staline s'est formellement solidaris� avec la dictature hitl�rienne, il a formellement approuv� l'agression l�che et spoliatrice du pouvoir hitl�rien contre la Pologne et proclam� avec cynisme le partage du butin. Dans ce m�me "trait� d'amiti�", Staline a, avec Hitler, qu'il d�signait il y a encore quelques semaines, avec raison, comme le grand fauteur de guerre, accus� les d�mocraties occidentales d'avoir mis le feu aux poudres et ceci � la v�rit� parce qu'elles refusent de reconna�tre la main mise sur la Pologne. Staline a apport� toute l'aide possible � la dictature hitl�rienne. Prot�g� par Staline � l'Est, elle peut d�sormais se jeter sur les d�mocraties occidentales. Staline et Hitler portent, � parts �gales, la lourde responsabilit� de tout le sang qui sera vers� dans les combats � venir. Hitler n'aurait jamais os� attaquer la Pologne sans le soutien de Staline, de m�me qu'aujourd'hui il n'oserait pas agresser les d�mocraties occidentales sans l'incitation de Staline". (p. 308)

Les crimes ordonn�s par Staline en Pologne sont nombreux, mais deux semblent particuli�rement significatifs : Katyn et la bataille de Varsovie

Depuis le d�but des ann�es 1980 - c'est � dire bien avant l'instrumentalisation de ce th�me par M. Gorbatchev - Alexandra Viatteau a jou� un r�le cl� dans la connaissance historique du massacre de Katyn et de lieux de massacres dont l'emplacement exact n'�tait pas encore connu. Il s'agit du meurtre de sang froid, au printemps 1940, de plus de 15 000 officiers polonais dont les corps ont �t� trouv�s enterr�s dans le bois de Katyn et dans les charniers de Miednoy� et de Dergatch�. Longtemps ni� par le Kremlin, ce crime a �t� - enfin - reconnu par Moscou en 1990. Au vu du travail des quatre commissions - internationale, polonaise, allemande et plus tard am�ricaine - Alexandra Viatteau reconstitue ainsi le drame : "les victimes avaient les mains li�es dans le dos avec de la cordelette (ou du fil de fer) et avaient re�u une balle (quelque fois deux et m�me une fois trois), ce qui prouve qu'elles avaient r�sist� ou que les bourreaux s'attendaient � ce qu'elles r�sistent. La mani�re de placer r�guli�rement les cadavres en rangs (quelques dizaines ) et en couches superpos�es, dont la premi�re avait la face contre terre, les mains g�n�ralement dans le dos, la seconde le visage dans les pieds de la premi�re, etc. , permet de supposer que les victimes �taient d�pos�es vivantes dans la fosse, jet�es contre terre ou contre la d�pouille des morts, puis abattues dans cette position couch�e. D'autres �taient fusill�es au bord des fosses, pouss�es de fa�on d�sordonn�e. A la lumi�re des d�couvertes d'aujourd'hui, on peut supposer que les premiers cadavres �taient plus m�thodiquement jet�s et "rang�s" dans la fosse que les suivants, quand il y en avait d�j� beaucoup et que l'effort devenait p�nible pour les fossoyeurs". (p. 75)

Cracovie. Croix � la m�moire des victimes de Katyn. Cr�dits: P. Verluise

Alexandra Viatteau met �galement en perspective historique le crime de Staline contre Varsovie, du 1er ao�t au 5 octobre 1944, en laissant seuls les Polonais face � l'arm�e allemande. Alors que son arm�e devrait leur apporter son soutien, Staline d�cide pour assouvir sa volont� d'expansion communiste en Europe de rester l'arme au pied. Il retarde ainsi la prise de Varsovie et m�me l'avanc�e sur Berlin, donc la fin de la guerre, mais il voit mourir 200 000 Polonais qui lui auraient donn� du fil � retordre. Quelques-uns esp�raient que leur sacrifice et le jeu de Moscou ouvriraient - au moins - les yeux des occidentaux sur la r�alit� de Staline, mais il n'en fut rien.

L'opportunisme de nombreux occidentaux au sujet du ma�tre du Kremlin et du communisme

Ce livre en apporte de nombreuses fois la preuve : les am�ricains comme les anglais sont inform�s de nombreux crimes de Staline en Pologne. Pour �viter une d�gradation de leurs relations avec le r�cent alli� sovi�tique, les alli�s occidentaux adoptent un profil bas et poussent m�me l'impudence jusqu'� conseiller aux Polonais de ne pas faire trop de bruit autour de Katyn et de s'arranger au mieux avec l'arm�e de Moscou alors que celle-ci d�cime leurs rangs … On touche ici un des points les plus douloureux des d�cennies du sovi�tisme : la difficult� de faire entendre un t�moignage. Alexandra Viatteau cite � ce propos un texte �loquent de Maria Czapska, au sujet des r�cits des prisonniers polonais du goulag : "A l'�poque, en 1943, quand les premiers Polonais lib�r�s des camps avaient commenc� � arriver en Angleterre, la Russie �tait une alli�e utile, donc intouchable. La r�alit� sovi�tique gla�ait les auditeurs :"Quelle exag�ration, quel culot, nous aussi nous connaissons la Russie. - Voil� de vieux r�glements de compte polono-russes, d�nu�s d'objectivit� … "Les compagnons demeur�s dans les camps, entre la vie et la mort, r�p�taient, d�sesp�r�s et pleins d'esp�rance, � ceux qui �taient lib�r�s : "Dites � l'Occident … Dites toute la v�rit� sur ce que nous �tions et sur ce qu'ils ont fait de nous !" Et les partants juraient de dire toute la v�rit�, sans rien cacher, la v�rit� sur l'abaissement de l'homme. Cependant, personne n'en voulait, de cette v�rit�, personne ne voulait l'�couter, personne n'en �tait curieux, et les t�moignages de "l'autre monde" ne trouvaient pas preneurs". (p. 113) La m�me ann�e, � la conf�rence de T�h�ran, le repr�sentant britannique Anthony Eden scellait le sort de la Pologne en l'abandonnant � Moscou.

Dans ce contexte, les archives mettent en valeur la lucidit� du Vatican

D�s mai 1941, soit avec un mois d'avance, le Saint-Si�ge sait qu'Hitler a l'intention de mettre fin au pacte germano-sovi�tique sign� en ao�t 1939, en attaquant Staline. Le Vatican conna�t les dangers pour l'Eglise et pour le monde de l'id�ologie et du syst�me sovi�tiques. Il soutient cependant l'URSS contre le nazisme, mais sans jamais cesser de mettre en garde les Alli�s d�mocrates, la�cs ou chr�tiens. A l'�poque, les Anglais pensent qu'apr�s la guerre deux grandes puissances se partageront le pouvoir en Europe : la Russie et l'Empire britannique. Aussi Londres tente-t-elle de convaincre le Vatican qu'il est possible de converger avec l'URSS vers une nouvelle forme de gouvernement mondial, o� le lib�ralisme assurerait la supr�matie anglo-saxonne avec la participation socialiste de l'URSS � une union plus vaste et plus globale.

D�s 1944, Washington fait le forcing - notamment par la voix de Myron Taylor, repr�sentant du Pr�sident Roosevelt - pour convaincre le Vatican qu'une bonne entente est possible entre l'Union sovi�tique et les peuples libres, invitant l'Eglise � faciliter la collaboration avec l'URSS. De leur c�t�, promettait ce messager de Roosevelt, les Etats-Unis feraient de leur mieux pour que la Russie respecte la libert� religieuse. Mgr Tardini de la secr�tairerie d'Etat fait alors valoir qu'il lui semble peu probable que l'URSS r�ponde aux espoirs am�ricains, au-del� des effets de propagande. Il ne faut pas se limiter � la libert� religieuse, fait remarquer le repr�sentant de l'Eglise catholique aux la�cs am�ricains, mais exiger le respect de la libert� en tous domaines. Gr�ce � de fructueuses recherches dans les archives du Vatican, Alexandra Viatteau cite de nombreux documents dont certains ont �t� publi�s par la secr�tairerie d'Etat du Saint-Si�ge, pour rendre compte de ces �changes. Voici, par exemple, l'extrait d'un m�morandum pr�par� le 21 juin 1944 par la secr�tairerie d'Etat, en vue de la premi�re audience de Myron Taylor chez Pie XII. "Le Saint-Si�ge consid�re avec beaucoup de pr�occupation les objectifs de guerre du gouvernement sovi�tique. L'intention d'occuper les Etats baltes, une partie de la Pologne et des Balkans ne serait pas en accord avec la charte Atlantique et pourrait s�rieusement compromettre la paix" (p. 225). Le Vatican ne croit pas le Kremlin d�cid� � respecter la libert� de ces peuples et invite donc les d�mocraties occidentales � ne pas sous-estimer le danger du communisme en Europe. Plus de quatre d�cennies de violations des libert�s fondamentales en Europe de l'Est et de tensions Est-Ouest suivent cet avertissement. Ce qui devrait, aujourd'hui encore, faire r�fl�chir sur les cons�quences parfois contre-productives d'un pseudo "pragmatisme" plus opportuniste que lucide.

Quoi qu'il en soit, comme l'�crit Alexandra Viatteau, "la v�rit� finit toujours par triompher du mensonge, m�me si pendant longtemps la m�moire para�t impuissante" (p. 290). Pierre Verluise

Ecrire � Alexandra Viatteau: Alexandra Viatteau, cours sur la D�sinformation (Journalisme europ�en), Universit� de Marne-la-Vall�e, D�partement des Aires culturelles et politiques, Cit� Descartes, 5 boulevard Descartes, Champs sur Marne, 77454, Marne-la-Vall�e, Cedex 2, France.

D�couvrez la rubrique r�alis�e par A. Viatteau : "Classiques de Science politique"

 
 

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